mardi 27 octobre 2015

Saure

J'ai demi-ouvert un œil jaune sous une peau de pierre. Au premier mouvement j'ai senti craquer tout mon épiderme solidifié, se fissurer de bout en bout ma peau lithique. Je me suis étirée longuement, contorsions complexes, dans tous les sens, lentement redonnant du mouvement à chaque partie de mon corps, chaque frisson ouvrant des failles géologiques, fracturant ma peau de dragon millénaire en plaques tectoniques que je secouais de mon dos, de mon ventre, de mes bras.

J'ai frictionné à la brosse dure ma peau de dragon, délogeant de ses rides canyoniques la poussière des siècles, balayant les écailles fossilisées, éradiquant férocement, plus souple à chaque mouvement, les couches de mon ancienne peau. J'ai brossé à rouge, à vif, sentant monter dans mes veines capillaires une chaleur de volcan, jusqu'à ce que des vestiges de peau morte il ne reste rien.

Alors est apparue ma peau fine et souple de dragon nouveau-né, qui, plissée comme si elle avait été froissée serrée dans un œuf, s'est peu à peu dépliée au rythme de mes amples respirations, mes poumons de dragon fier prenant à chaque inspir davantage de volume, lents et puissants comme le soufflet d'une forge géante. Ma peau neuve s'est déployée, puis déployée à nouveau, et, alors que je croyais qu'elle en avait terminé, s'est déployée encore, épiderme sensible et résistant d'un nouveau dragon immense, et qui croît encore.