mardi 3 février 2015

Little boxes

Dans cet extraordinaire sous-sol, m'avaient particulièrement marqué ces deux petites filles qui se renvoyaient la balle de part et d'autre d'une mortelle frontière, sans doute parce qu'elles me faisaient penser à ma sœur et moi, enfants ; la fin d'une tomate empathique, parce que c'était drôle et émouvant, et que je me suis beaucoup identifiée à la tomate ; et cette femme au visage gelé, immobile dans une baignoire où poussent les ajoncs, un petit pantin coquet à tête de mort dansant affectueusement autour d'elle. Celle-ci m'a fait penser à ma mère.

J'avais seize ans lorsque ma mère a été diagnostiquée Parkinson. Diagnostic d'élimination, ombre lente qui pesait sourdement. Les premiers signes étaient assez discrets - la fatigue, les mains qui tremblent - mais deux ans ont suffi pour qu'elle devienne ce pantin désarticulé dont les collégiens se moquent dans la rue.


La maladie de Parkinson est un trouble du mouvement. Cela veut dire qu'elle atteint toutes les dimensions de la vie.

Elle altère, fige, anéantit les expressions du visage, qui deviennent illisibles.


Elle rend l'élocution pénible, car la voix aussi est mouvement. Et c'est difficile au téléphone lorsqu'on habite à 700 km.

Elle perturbe la vue, car la convergence oculaire, qui est la base de notre vision tridimensionnelle, est aussi liée au mouvement. ça, c'était pour le cas où l'on aurait espéré que l'écrit pourrait remplacer l'oral.

Ajoutons la perte globale d'énergie, les conséquences psychiques de la maladie et celles liées aux effets secondaires des traitements.

Depuis près de vingt ans ma mère est comme une petite chose très précieuse enfermée dans une série de boîtes gigognes dont on aurait perdu la clé.

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